Le traitement des objets

Type d’objets : squelettes ; objets métalliques …

Une variété considérable d’objets, ou plutôt de fragments d’objets, est exhumée chaque année. Les archéologues les désignent sous le terme de « mobilier ». Aux Crassées, les plus fréquents sont les restes osseux humains, puis les morceaux de poterie (la céramique) et les restes osseux animaux. Mais il en existe beaucoup d’autres sortes. Les plus spectaculaires sont les objets qui accompagnent certains défunts mérovingiens : parties métalliques de ceinture et scramasaxe. Les bâtiments gallo-romains livrent également des restes métalliques de leur ameublement, et des restes de leur décoration : tesselles de mosaïque par milliers, peintures murales décollées.

Fouilles de la nécropole en 2015. ©Éric Colin / Service Communication – Ville de Saint-Dizier

Certains objets sont même invisibles à l’œil nu : il s’agit des graines végétales, pourtant indispensables à la reconstruction de la vie économique d’un site et de son paysage. Ce sont alors des sacs de terre qui sont prélevés, pour ensuite être tamisés.

Tous ces objets quittent la fouille dans des sacs portant le numéro de la couche où ils ont été découverts, leur « unité stratigraphique ». Ils ne demanderont pas le même traitement en post-fouille. Certains par exemple ne supporteraient pas un lavage à l’eau, d’autres ont besoin d’être protégés de la lumière. Voici les principales grandes étapes de traitement.

Fouilles de la nécropole en 2013. ©Éric Colin / Service Communication – Ville de Saint-Dizier

Le nettoyage

Couverts de terre, la plupart des objets peut être nettoyée à l’eau, dans des salles de lavage dont sont équipés tous les locaux d’archéologie. C’est le cas des ossements, des céramiques, des tesselles, des objets en roche. Certains mêmes, comme les céramiques ou les tesselles, peuvent être lavés à l’eau sous haute pression.

Mais d’autres ne le supporteraient pas. Les fragments d’enduits muraux décorés de peinture doivent par exemple être nettoyés à sec pour ne pas effacer les pigments. Lorsque des meules à farine sont découvertes, il est là aussi déconseillé de les laver car une information importante disparaitra : les aspérités de la pierre gardent en effet des restes des céréales moulues, leurs phytolites, qui permettent de déterminer l’espèce, et donc le régime alimentaire des habitants.

Aucun objet en métal ne doit entrer en contact avec de l’eau, cela accélèrerait la corrosion. Ils doivent être nettoyés à l’aide d’un petit pistolet envoyant un sable très fin à haute pression. Le restaurateur qui l’utilise regarde en même temps l’objet au microscope afin de guetter le moment ou la surface de l’objet apparaît enfin derrière la couche de corrosion.

Seau. ©Claude Philippot / Musée de Saint-Dizier

Le tri et le conditionnement

Puisque le mobilier est distribué à différents spécialistes, une fois sec, il faut ranger chaque catégorie de mobilier de chaque unité stratigraphique dans un sac différent. Par exemple, imaginons que la couche de terre numéro 854 fouillée en 2017 ait livré douze fragments d’os animaux, cinq fragments de céramique et une fibule, il faudra trois sacs différents. Ils porteront la mention : « Saint-Dizier « Les Crassées », 2017, Unité stratigraphique n° 854 (abrégé « U.S. 854 ») ».

Mais certains objets ne tolèrent pas un tel rangement. Les fragments de peinture murale par exemple, sont trop fragiles. Versés dans un sac, ils s’useraient les uns contre et les autres et se fragmenteraient, rendant impossible le travail de remontage du spécialiste. Ils doivent être étalés à plat dans de larges caisses, éventuellement sur plusieurs étages séparés par du papier journal.

Les objets en métal ont aussi leurs exigences propres : ils ne doivent pas être exposés à l’humidité ambiante, qui risquerait d’accélérer leur corrosion avant qu’ils soient traités par un restaurateur. Ils sont rangés dans des boites hermétiques, avec un sachet de gel de silice qui absorbe l’humidité. On retrouve ce produit dans les housses d’appareil photo par exemple, pour les mêmes raisons.

Lors du conditionnement du mobilier, un premier inventaire en est fait. Il s’agit d’un tableau ou chaque catégorie de mobilier de chaque unité stratigraphique apparaît, compté et pesé. Cet inventaire est obligatoire dans un rapport de fouilles. Il permet la traçabilité du mobilier.

Bijoux. ©Claude Philippot / Musée de Saint-Dizier

L’étude des spécialistes

Tous les spécialistes nécessaires à l’étude du mobilier d’un site archéologique ne sont pas forcément disponibles sur place. C’est même rarement le cas. Dans le cas des Crassées par exemple, la céramique et les monnaies partent en Bourgogne, et les restes humains en Normandie, à l’Université de Caen. Quant aux échantillons d’os ou de charbon destinés à être sacrifiés pour une datation au carbone 14, ce sont eux qui voyagent le plus : ils partent aux Pays-Bas, au laboratoire isotopique de l’université de Groningue.

Chaque spécialiste va alors chercher à mettre un nom sur chaque objet qui lui est confié, et à en tirer le maximum d’informations. Le biologiste va déterminer le sexe des défunts et l’âge de leur décès. Pour le sexe, si l’os du bassin n’est pas conservé, c’est impossible. L’archéozoologue va déterminer l’espèce animale de tous les ossements possibles, et la partie du corps dont il provient. Comme pour les humains, le sexe et l’âge du décès est possible à identifier. Le céramologue va quant à lui tâcher de reconnaitre la forme des vases dont proviennent les fragments, de manière à comprendre quelles activités se déroulaient sur le site, et à quelle époque. L’identification passe autant par la forme du tesson que par la composition de la pâte utilisée.

Tous les autres spécialistes procèdent de la même manière. Le carpologue va identifier les espèces végétales en observant les graines au microscope, le numismate va déterminer l’origine et la date de fabrication de chacune des monnaies, et ainsi de suite.

L’addition de toutes ces données est cruciale à la compréhension d’un site. Elles apportent autant d’informations historiques que la fouille elle-même. La reconstitution chronologique des évènements intervenus aux Crassées, par exemple, tient bien plus à l’exploitation des objets que des structures.

Des pièces de sarcophage en 2016. ©Éric Colin / Service Communication – Ville de Saint-Dizier

La conservation

La majorité des objets ne demande aucune intervention particulière à sa conservation sur le long terme. La céramique, les restes osseux, s’ils sont rangés dans des sacs fermés, ne se détériorent pas.

En revanche les objets métalliques et en premier lieu, ceux en fer, nécessitent des traitements chimiques afin d’interrompre la corrosion. Mais même après cela, ils devront être entreposés dans des pièces au taux d’hygrométrie le plus bas possible, sinon la rouille peut réapparaitre. La pièce doit être munie d’un système d’absorption d’humidité par circulation d’air, et les objets doivent être accompagnés de gel de silice.

Pour les objets en bois ou en cuir, ou en tout autre matière d’origine organique, c’est l’inverse : l’humidité doit être constamment importante pour ne pas que l’objet se dessèche et, fatalement, parte définitivement en poussière.

Les réserves du musée de Saint-Dizier comportent des pièces spéciales des deux types : l’une sans humidité, l’autre avec.

Peigne. ©Claude Philippot / Musée de Saint-Dizier