Le terrain fouillé aux Crassées ne contient pour le moment aucune trace du village où vivaient les occupants du cimetière. Toutes les habitations connues sont situées un peu plus au sud, à l’emplacement de la zone commerciale. Elles ont été fouillées en 1993, avant le démarrage des travaux.
Comme nous l’avons dit dans la partie consacrée aux églises, ce village n’existe pas au début du Moyen Âge, à la période mérovingienne. A cette date, les habitations semblent dispersées en plusieurs points. L’un d’eux a par exemple été découvert sur le tracé du contournement. Ce n’est qu’ensuite, au VIIIe siècle, lorsque la nécropole prend progressivement la forme d’un cimetière paroissial, que les habitations commencent à se regrouper ici. La population ne cessera ensuite d’augmenter, jusqu’au brutal abandon des lieux au XIIe ou XIIIe siècle.
Les traces du village se divisent en trois grandes catégories de vestiges
Il s’agit d’abord d’innombrables trous de poteau, c’est-à-dire de simples cercles qui se distinguent du terrain naturel par leur couleur plus foncée. Peu spectaculaires, ils permettent toutefois de reconstituer le plan de toutes les constructions faisant appel à ce type de fondations. Au final, ces taches de couleur au premier abord insignifiantes permettent ni plus ni moins de reconstituer le plan du village. On y distingue des bâtiments rectangulaires plus grands que d’autres, probablement les maisons, ainsi que des espaces vides, en ligne droite, probablement les rues.
La seconde catégorie se manifeste elle aussi par des taches de couleur, mais plus étendues, rectangulaires, de quelques mètres de côté. Le village en compte plus d’une centaine. Il s’agit de petites cabanes typiques du Moyen Âge, dans lesquelles le sol est plus bas de quelques dizaines de centimètres que le sol extérieur, et est bordé de deux ou quatre trous de poteau. Bien qu’elles se rencontrent sur la plupart des sites médiévaux de la moitié nord de la France, leur fonction fait toujours débat. Quelques dessins du Moyen Âge montrent des femmes dans de telles cabanes, affairées à des métiers à tisser. Mais à Saint-Dizier comme ailleurs, elles paraissent bien trop nombreuses pour ne servir qu’au tissage, leur fonction est probablement polyvalente.
La troisième catégorie rassemble quinze fours sidérurgiques, répartis parmi les habitations. Il s’agit de bas-fourneaux destinés à purifier le minerai de fer, à le « réduire », de manière à pouvoir ensuite le forger. Les quantités produites au Chêne Saint-Amand sont considérables. Elles se mesurent grâce aux déchets, les « scories », abandonnées au terme de la réduction autour des habitations. Des centaines de tonnes parsèment le pourtour du village, sous forme de grands épandages pouvant atteindre 1 m d’épaisseur. Dans le cimetière aussi, aux Crassées, on en retrouve énormément. La terre du cimetière en est pleine. Les chemins qui permettent de circuler entre les tombes sont même exclusivement constitués de scories !
On ne sait pas grand-chose de la vie des gens qui ont vécu dans le village. Comme l’immense majorité des générations du Moyen Âge, il s’agit sans doute de paysans, s’occupant pour eux ou pour d’autres des champs et des troupeaux. Une chose est sure en revanche, le commerce du fer était important. La quantité de scories rejetées prouve que la production de fer est destinée à tirer un surplus commercial, et pas seulement à fabriquer ou préparer les objets nécessaires aux villageois. Ce commerce devait fournir un bénéfice substantiel aux habitants.